20 000 lieues sous la mer, extrait calamar géant

lien scène 12: la place du vide  ♫ C’est pas la faute des océans… ♫

Dans son livre 2000 lieues Sous les Mers , Jules Verne décrit l’attaque du Nautilus par « un calmar de dimensions colossales ayant 18 mètres de longueur ».
Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne, Christian Chalebourg | Livre de Poche
lecture offerte d’un extrait de 20 000 lieues sous les mers

Le capitaine Nemo est le commandant du Nautilus, un immense sous-marin que tout le monde prend pour un monstre marin. Alors qu’ils étaient partis à sa poursuite, le professeur Aronnax, son serviteur Conseil et Ned Land, le harponneur, se sont retrouvés à bord du Nautilus.
Le Nautilus flottait sans doute, mais il ne marchait plus. Les branches de son hélice ne battaient pas les flots. Une minute se passa. Le capitaine
Nemo, suivi de son second*, entra dans le salon.
Je ne l’avais pas vu depuis quelque temps. Il me parut sombre. Sans nous parler, sans nous voir peut-être, il alla au panneau, regarda les poulpes et dit quelques mots à son second.
Celui-ci sortit. Bientôt les panneaux se refermèrent. Le plafond d’illumina. J’allai vers le capitaine.
« Une curieuse collection de poulpes, lui dis-je du ton dégagé que prendrait un amateur devant le cristal d’un aquarium.
– En effet, monsieur le naturaliste*, me répondit-il, et nous allons les combattre corps à corps. »
Je regardai le capitaine. Je croyais n’avoir pas bien entendu.
« Corps à corps ? répétai-je.
– Oui, monsieur. L’hélice est arrêtée. Je pense que les mandibules* cornées de l’un de ces calmars se sont engagées dans ses branches. Ce qui nous empêche de marcher.
– Et qu’allez-vous faire ?
– Remonter à la surface et massacrer toute cette vermine.
– Entreprise difficile.
– En effet. Les balles électriques sont impuissantes contre ces chairs molles où elles ne trouvent pas assez de résistance pour éclater. Mais nous les attaquerons à la hache.
– Et au harpon, monsieur, dit le Canadien, si vous ne refusez pas mon aide.
– Je l’accepte, maître Land.
– Nous vous accompagnerons », dis-je, et, suivant le capitaine Nemo, nous nous dirigeâmes vers l’escalier central.
Là, une dizaine d’hommes, armés de haches d’abordage, se tenaient prêts à l’attaque. Conseil et moi, nous prîmes deux haches. Ned Land saisit un harpon.
Le Nautilus était alors revenu à la surface des flots. Un des marins, placé sur les derniers échelons, dévissait les boulons du panneau. Mais les écrous étaient à peine dégagés, que le panneau se releva avec une violence extrême, évidemment tiré par la ventouse d’un bras de poulpe.
Aussitôt un de ces longs bras se glissa comme un serpent par l’ouverture, et vingt autres s’agitèrent au-dessus. D’un coup de hache, le capitaine Nemo coupa ce formidable tentacule, qui glissa sur les échelons en se tordant.
Au moment où nous nous pressions les uns sur les autres pour atteindre la plate-forme, deux autres bras, cinglant l’air, s’abattirent sur le marin placé devant le capitaine Nemo et l’enlevèrent avec une violence irrésistible.
Le capitaine Nemo poussa un cri et s’élança au-dehors. Nous nous étions précipités à sa suite. Quelle scène ! Le malheureux, saisi par le tentacule et collé à ses ventouses, était balancé dans l’air au caprice de cette énorme trompe. Il râlait, il étouffait, il criait : « À moi ! À moi ! » Ces
mots prononcés en français, me causèrent une profonde stupeur ! J’avais donc un compatriote à bord, plusieurs peut-être ! Cet appel déchirant, je l’entendrai toute ma vie !
L’infortuné* était perdu. Qui pouvait l’arracher à cette puissante étreinte ? Cependant le capitaine Nemo s’était précipité sur le
poulpe, et, d’un coup de hache, il lui avait encore abattu un bras.
Son second luttait avec rage contre d’autres monstres qui rampaient sur les flancs du Nautilus. L’équipage se battait à coups de hache. Le Canadien, Conseil et moi, nous enfoncions nos armes dans ces masses charnues. Une violente odeur de musc pénétrait l’atmosphère. C’était horrible.
Un instant, je crus que le malheureux, enlacé par le poulpe, serait arraché à sa puissante succion. Sept bras sur huit avaient été coupés. Un seul, brandissant la victime comme une plume se tordait dans l’air. Mais au moment où le capitaine Nemo et son second se précipitaient sur lui,
l’animal lança une colonne d’un liquide noirâtre, sécrété par une bourse située dans son abdomen. Nous en fûmes aveuglés. Quand ce nuage se fut dissipé, le calmar avait disparu, et avec lui mon infortuné compatriote !
Quelle rage nous poussa alors contre ces monstres ! On ne se possédait plus. Dix ou douze poulpes avaient envahi la plate-forme et les flancs du nautilus. Nous roulions pêle-mêle au milieu de ces tronçons de serpent qui tressautaient sur la plate-forme dans des flots de sang et
d’encre noire. Il semblait que ces visqueux tentacules renaissaient comme les têtes de l’hydre*.
Le harpon de Ned Land, à chaque coup, se plongeait dans les yeux glauques des calmars et les crevait. Mais mon audacieux compagnon fut soudain renversé par les tentacules d’un monstre qu’il n’avait pu éviter.
Ah ! Comment mon cœur ne s’est-il pas brisé d’émotion et d’horreur ! Le formidable bec du calmar s’était ouvert sur Ned Land. Ce malheureux allait être coupé en deux. Je me précipitai à son secours. Mais le capitaine Nemo m’avait devancé. Sa hache disparut entre les deux
énormes mandibules, et miraculeusement sauvé, le Canadien, se relevant, plongea son harpon tout entier jusqu’au triple cœur du poulpe.
« Je me devais cette revanche ! » dit le capitaine Nemo au Canadien.
Ned s’inclina sans lui répondre.
Ce combat avait duré un quart d’heure. Les monstres vaincus, mutilés, frappés à mort, nous laissèrent enfin place et disparurent sous les flots.
Le capitaine Nemo, rouge de sang, immobile près du fanal, regardait la mer qui avait englouti
l’un de ses compagnons, et de grosses larmes coulaient de ses yeux.
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* Le second : celui qui commande le bateau, juste après le capitaine.
* Un naturaliste : un scientifique qui étudie les plantes, les animaux.
* Une mandibule : une mâchoire coupante.
* L’infortuné : le malheureux.
* L’hydre : un animal fabuleux à plusieurs têtes.

 

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