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chapitre IV don Quichotte CERVANTES abrégé

CHAPITRE IV: de ce qui arriva à notre chevalier lorsqu’il quitta l’auberge

Don Quichotte sortit de l’auberge, si heureux, si gaillard, si sens dessus dessous de se voir maintenant armé chevalier, que sa joie lui sortait par les sangles de son cheval! Mais comme lui vinrent en mémoire les conseils de son hôte, il décida de rentrer chez lui et de se pourvoir de tout, et aussi d’un écuyer.
Il n’avait pas fait beaucoup de route quand il lui sembla que sur sa droite, du fond d’un bois tout proche, sortaient de faibles cris, comme si quelqu’un se plaignait. Il les avait à peine entendus qu’il dit:
“Ces cris viennent sans doute de quelque malheureux ou malheureuse qui a besoin
de ma faveur et de mon aide.”
Quelques pas plus loin dans le bois, il vit un garçon nu jusqu’à la taille. C’était lui qui poussait les cris, et non sans cause, car un paysan de belle taille lui donnait quantité de coups de fouet avec un ceinturon.

Voyant ce qui se passait, don Quichotte dit d’une voix courroucée:
dq :“Chevalier discourtois, il est malvenu de t’en prendre à quelqu’un qui ne
peut se défendre. Je vais te faire sentir que ce que tu es en train de faire est
une lâcheté!”

le paysan : “Ce garçon que je suis en train de châtier, je l’emploie à garder un troupeau de brebis et il est si négligent que chaque jour il en manque une. Et comme je châtie sa négligence, il dit que je le fais parce que je suis pingre, pour ne pas lui payer la solde que je lui dois.”
dq : “Paie-le tout de suite et sans plus de réplique! Sinon je t’anéantis sur l’heure. Détache-le tout de suite!”
le paysan : “Le malheur, c’est que je n’ai pas d’argent ici: Andrés n’a qu’à venir à ma maison, et je le paierai.”
“Aller avec lui? dit le jeune homme. Malheur, non, impensable! S’il se voit seul avec moi, il m’écorche”.
“Il ne fera pas une telle chose, dit don Quichotte. Mon ordre suffit pour qu’il le respecte.
Au paysan: veille à t’acquitter comme tu l’as juré. Sinon je te jure que je reviendrai te chercher et te châtier. Et si tu veux savoir qui te donne cet ordre, afin d’avoir plus authentique obligation de le respecter, sache que je suis le valeureux don Quichotte de la Manche, le redresseur de torts et d’injustices.
A ces mots, il s’éloigna d’eux.
Le paysan le suivit des yeux et lorsqu’il vit qu’il était sorti du bois et avait disparu, prit Andrés par le bras et l’attacha de nouveau au chêne vert, où il le fouetta tellement qu’il le laissa pour mort.

Et c’est ainsi que le valeureux don Quichotte défit le tort.


résumé chapitre IV
Don Quichotte sortit de l’auberge,[…] si sens dessus dessous de se voir maintenant armé chevalier, que sa joie lui sortait par les sangles de son cheval! […]Il décida de rentrer chez lui et de se pourvoir […] d’un écuyer. […]Quelques pas plus loin dans le bois, il vit un paysan de belle taille [qui] donnait quantité de coups de fouet avec un ceinturon[à un jeune garçon]. Voyant ce qui se passait, don Quichotte dit d’une voix courroucée:

“Chevalier discourtois, il est malvenu de t’en prendre à quelqu’un qui ne peut se défendre. […]”

le paysan: “Je châtie sa négligence, (lui)il dit que je le fais [ …]pour ne pas lui payer la solde que je lui dois.”

dq: “Paie-le tout de suite et sans plus de réplique! […]

le paysan: “Le malheur, c’est que je n’ai pas d’argent ici: Andrés n’a qu’à venir à ma maison, et je le paierai.”

[…]don Quichotte au laboureur: «Veille à t’acquitter comme tu l’as juré.[…] Si tu veux savoir qui te donne cet ordre, afin d’avoir plus authentique obligation de le respecter, sache que je suis le valeureux don Quichotte de la Manche, le redresseur de torts et d’injustices.» A ces mots, il s’éloigna d’eux. Le paysan le suivit des yeux et lorsqu’il vit qu’il était sorti du bois et avait disparu, prit Andrés par le bras et l’attacha de nouveau au chêne vert, où il le fouetta tellement qu’il le laissa pour mort. Et c’est ainsi que le valeureux don Quichotte défit le tort.

chapitre III don Quichotte Cervantès abrégé

Chapitre III: Où on raconte de quelle comique manière don Quichotte se fit armer chevalier

Il appela l’aubergiste, se mit à ses genoux et dit:
-Jamais ne me relèverai d’ici, devant que votre courtoiserie m’accorde une faveur dont je veux vous prier, laquelle résonnera au profit du genre humain.
L’aubergiste le regardait, interdit, sans savoir que faire ni que dire. Il insistait pour qu’il se relève mais il s’y refusa toujours, jusqu’à ce que l’autre se vit forcé de dire qu’il lui accordait le don qu’il demandait.

don Quichotte supplie l’aubergiste– Gustave Doré

-Je n’en attendais pas moins de votre grande magnificence, cher seigneur, et ainsi vous dis-je que cette faveur par moi demandée et par votre libéralité à moi octroyée, est que demain sans faute vous devrez m’armer chevalier pour pouvoir comme il se doit aller par les quatre parties du monde cherchant les aventures en faveur de ceux qui ont nécessité.
L’aubergiste, pour avoir de quoi rire cette nuit, choisit de flatter sa lubie; il lui dit donc que ce qu’il demandait était très raisonnable, et qu’une telle résolution était propre et naturelle à des chevaliers aussi importants que lui, comme on le voyait et comme sa gaillarde personne le démontrait.
On ferait les cérémonies requises pour qu’il soit armé chevalier, et si chevalier, qu’on ne pourrait pas l’être plus en ce monde.
Il lui demanda s’il avait de l’argent; don Quichotte répondit qu’il n’avait pas un sou car il n’avait jamais lu dans les histoires de chevaliers errants qu’aucun en eût apporté. A quoi l’aubergiste répondit qu’il se trompait car en admettant que ce n’était pas écrit dans les histoires parce que leurs auteurs avaient considéré qu’il n’était pas besoin de mettre par écrit une chose aussi évidente et aussi nécessaire à emporter que de l’argent et des chemises propres, il ne fallait pas pour autant croire qu’ils n’en emportaient pas, et il devait donc tenir pour sûr et avéré que tous les chevaliers errants dont tant de livres
sont pleins et combles, avaient bon métal en bourse pour ce qui pouvait leur arriver, et qu’ils emportaient également des chemises et un petit coffret rempli d’onguents pour soigner les blessures qu’ils recevaient, parce qu’il n’y avait pas toujours, par ces champs et désert où ils se combattaient, quelqu’un pour les soigner, sauf s’il avait pour ami quelque sage enchanteur qui les secourait à l’instant en envoyant par l’air demoiselle ou quelque nain sur un nuage avec quelque cornue d’une eau de telle vertu qu’il suffisait d’en boire une goutte pour qu’aussitôt ils se retrouvent guéris de leurs plaies et blessures, comme s’ils n’avaient jamais eu aucun mal.
On prépara donc la veillée d’armes dans une grande cour qui se trouvait sur un côté de l’auberge. Don Quichotte rassembla ses armes et les posa sur une auge près d’un puits, il embrassa son écu, il empoigna sa lance, et d’une noble allure il se mit à marcher devant l’auge. Il se mit à marcher alors que la nuit se mettait à tomber.

Il se promenait d’un pas lent et mesuré. (veillée d’armes) G.Doré

[le lendemain] Le châtelain apporta un livre où il notait la paille et l’orge qu’il donnait aux muletiers, et accompagné d’un jeune garçon qui portait un bout de chandelle et de deux demoiselles, il vint tout près de Don Quichotte, lui ordonna de se mettre à genoux.

don Quichotte se fait armer chevalier– G. Doré

Il leva la main et lui en donna un bon coup sur le cou; et par-derrière, avec sa propre épée, il le frappa gaillardement sur l’épaule.Cette cérémonie expédiée au galop et à la va-vite, don Quichotte ne put attendre une minute de plus de se voir à cheval et d’aller chercher les aventures. Il sella sur-le-champ Rossinante, monta dessus et en embrassant son hôte, en le remerciant de lui avoir fait grâce de l’armer chevalier, lui dit des choses si étranges qu’il est impossible de parvenir à les rapporter.


petit résumé chapitre III:
Il appela l’aubergiste et dit:[…]-Vous devez m’armer chevalier.
L’aubergiste, pour avoir de quoi rire cette nuit, choisit de flatter sa lubie; Il lui dit donc que ce qu’il demandait était très raisonnable,[…] comme sa gaillarde personne le démontrait. On ferait les cérémonies requises pour qu’il soit armé chevalier. […]Le châtelain apporta aussitôt un livre où il notait la paille et l’orge qu’il donnait aux muletiers,[…] il vint tout près de Don Quichotte, lui ordonna de se mettre à genoux. Il leva la main et lui en donna un bon coup sur le cou; et par-derrière, avec sa propre épée, il le frappa gaillardement sur l’épaule. Cette cérémonie expédiée au galop et à la va-vite, don Quichotte ne put attendre une minute de plus de se voir à cheval et d’aller chercher les aventures. Il sella sur-le-champ Rossinante, monta dessus.

Chapitre II: texte de Cervantès abrégé

chapitre II: qui traite de la première sortie de son village que fit l’ingénieux don Quichotte
Et donc, ces préparatifs achevés, il ne voulut pas tarder plus longtemps à réaliser son projet, pressé qu’il était car il faisait faute au monde du fait de son retard: il y avait les affronts qu’il voulait corriger, les torts à redresser, les injustices à réparer. Aussi, un matin avant le jour, qui fut un des plus chaud du mois de juillet, il s’arma de toutes ses armes, monta sur Rossinante, et son casque bricolé sur la tête, son bouclier au bras, prit sa lance et sortit dans la campagne tout content, tout joyeux de voir avec quelle facilité il avait donné commencement à son bon désir.
Mais à peine se vit-il en campagne que le bouleversa une pensée si terrible qu’elle faillit lui faire abandonner l’entreprise commencée; car il lui vint en mémoire qu’il n’était pas armé chevalier et qu’aux termes de la loi de la chevalerie, il ne pouvait ni ne devait prendre les armes contre aucun chevalier.
Ces réflexions le firent chanceler dans son dessein. Mais sa folie était plus forte que quelque raison que ce soit et il résolut de se faire armer chevalier par le premier sur qui il tomberait, à l’imitation de beaucoup d’autres qui firent de la sorte, comme il l’avait lu dans les livres qui l’avaient mis dans cet état. Et ainsi il s’apaisa, et poursuivit son chemin sans en prendre d’autres que celui que voulait son cheval, croyant qu’à cela tenait le pouvoir
des aventures.
-Qui doutera que dans les temps à venir, lorsque la véridique histoire de mes exploits fameux viendra à la lumière, le sage qui les écrira ne mettra ceci, au moment de conter cette première sortie matinale que je fais: “A peine le blond Apollon avait il étendu sur la face de l’ample et spacieuse terre les tresses dorées de ses beaux cheveux, à peine les langues déliées des petits oiseaux coloriés avaient-elles salué en douce harmonie l’aurore, que le fameux don Quichotte de la Manche, laissant les plumes oisives, monta sur son cheval Rossinante et se mit à cheminer par l’antique et célèbre plaine de Montiel. »
C’était vrai, il cheminait par là.

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estampe de G. Doré 1863

 En cheminant ainsi, notre tout neuf aventurier se parlait à lui-même.

-Heureux temps et siècle heureux, celui où viendront à la lumière mes fameux exploits, dignes de se graver dans le bronze, de se sculpter dans le marbre et de se peindre sur bois pour la mémoire du futur! Ô toi, sage enchanteur, qui que tu sois, à qui doit revenir d’être le chroniqueur de cette histoire unique! Je te prie de ne pas oublier mon bon Rossinante, mon compagnon de toujours par mes chemins et routes!
Puis il se remettait à dire comme s’il était véritablement amoureux:
-Ô princesse Dulcinée, maîtresse de mon coeur prisonnier!

Cependant il cheminait si lentement et le soleil montait si vite et avec tant d’ardeur que c’était assez pour faire fondre sa cervelle, s’il en avait eu un tant soit peu.
Il chemina presque toute la journée sans qu’il lui arrivât chose digne d’être contée, ce dont il se désespérait, car il aurait voulu tomber à l’instant sur qui essayer la valeur de son bras puissant. Certains auteurs disent que la première aventure qui lui arriva fut celle des moulins à vent; mais ce que j’ai pu vérifier sur ce point et que j’ai trouvé écrit dans les annales de la Manche, c’est qu’il fit route tout le jour et qu’au soir son roussin et lui tombaient de fatigue et mouraient de faim, et que, regardant de tous côtés pour voir s’il découvrait quelque château où s’abriter et subvenir à ses besoins, il vit, non loin du chemin qu’il suivait, une auberge. Deux jeunes femmes se trouvaient par hasard à la porte.

auberge G. Doré 
Tout ce que notre aventurier pensait, voyait ou imaginait lui paraissant se faire et se dérouler comme dans ses lectures, dès qu’il vit l’auberge, il se figura un château avec ses quatre tours aux toits pointus d’argent brillant, sans oublier son pont-levis, son fossé profond et tous les accessoires qu’on peint sur ce genre de château. Il continua d’approcher cette auberge qu’il prenait pour un château et, parvenu à peu de distance, il tira les rênes de Rossinante, comptant que quelque nain se mette aux créneaux pour sonner de quelque trompette et prévenir qu’un cavalier arrivait au château. Mais voyant
qu’on tardait et que Rossinante avait hâte de gagner l’écurie, il s’approcha encore de l’auberge et vit les deux jeunes filles qui s’y trouvaient. Pour lui, ce furent deux belles demoiselles ou deux gracieuses dames qui se divertissaient aux portes du château. Là-dessus arriva un porcher, qui rassemblait un troupeau de cochons (je ne demande pas pardon: c’est comme ça qu’on les nomme), sonna de sa trompe: c’est à ce signal qu’ils se rassemblent. Et à cet instant se représenta à don Quichotte ce qu’il désirait: quelque nain avertissait de son arrivée.
L’aubergiste alla tenir l’étrier à don Quichotte, lequel mit pied à terre avec beaucoup de difficultés et d’efforts. Il dit aussitôt à l’hôte de prendre bien soin de son cheval car c’était la meilleure créature qui mangeât pain au monde.
L’aubergiste le regarda et ne le trouva pas aussi bon que don Quichotte le disait, pas même de moitié. Il l’installa dans l’écurie et retourna voir ce que voulait son hôte. Les demoiselles était en train de le désarmer. Mais elles ne surent ni ne purent lui enlever l’imitation de casque qu’il portait attachée par des rubans verts. Faute de pouvoir défaire les noeuds, il fallait couper. Lui refusa d’y consentir en aucune façon. Il passa donc toute la nuit le casque sur la tête.
On lui mit la table à la porte de l’auberge. Mais il y avait de quoi éclater de rire à le voir manger. En effet, comme il avait conservé son casque et devait tenir levée la visière, il ne pouvait porter quoi que ce soit à la bouche avec ses mains si quelqu’un ne le lui donnait et ne le lui mettait, et une de ces dames s’employait donc à cet office.

repas avec casque G.Doré

Quant à lui donner à boire, cela ne fut pas possible et le fût resté si l’aubergiste n’eut percé un roseau. Un côté mis dans sa bouche, il versait le vin dans l’autre. Tout cela était pris en patience plutôt que de trancher les rubans de son casque. Là-dessus arriva par hasard un châtreur de porcs, et dès son arrivée il souffla quatre ou cinq fois dans sa flûte de Pan, ce qui confirma définitivement don Quichotte dans l’idée qu’il se trouvait en quelque château fameux. Mais ce qui le préoccupait le plus, c’était de ne pas se voir armé chevalier, car il lui apparaissait qu’il ne pourrait entrer légitimement dans aucune aventure sans avoir reçu l’ordre de chevalerie.

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résumé du chapitre II 
« Et donc, ces préparatifs achevés, il ne voulut pas tarder plus longtemps à
réaliser son projet, pressé qu’il était car il faisait faute au monde du fait de
son retard. Aussi, un matin […], il s’arma de toutes ses armes, monta sur
Rossinante […] et sortit dans la campagne tout content[…]. Mais à peine se
vit-il en campagne que le bouleversa une pensée si terrible qu’elle faillit lui
faire abandonner l’entreprise commencée; car il lui vint en mémoire qu’il
n’était pas armé chevalier et qu’aux termes de la loi de la chevalerie, il ne
pouvait ni ne devait prendre les armes contre aucun chevalier.[…] Mais sa
folie était plus forte que quelque raison que ce soit et il résolut de se faire
armer chevalier par le premier sur qui il tomberait […]. Au soir, son roussin
et lui tombaient de fatigue et mouraient de faim, […] il vit, non loin du
chemin qu’il suivait, une auberge. Deux jeunes femmes se trouvaient par hasard à
la porte.[ …]Pour lui, ce furent deux belles demoiselles […] qui se
divertissaient aux portes du château.

Chapitre premier: texte de Cervantès abrégé

Chapitre premier: qui traite du caractère et des occupations du fameux et
vaillant hidalgo don Quichotte de la Manche

« Dans un village de la Manche dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait un hidalgo.
Il entretenait chez lui une gouvernante et une nièce.
Notre hidalgo approchait de la cinquantaine. Il était de constitution robuste, sec de corps, maigre de visage, très lève-tôt. Certains voudraient qu’il eût nom “Quichada”, ou “Quesada”. Mais cela importe peu pour notre histoire: il suffit que le récit ne s’écarte en rien de la vérité. Il faut donc savoir qu’à ses moments d’oisiveté, c’est-à-dire tout le temps ou presque, il s’adonnait à la lecture de livres de chevalerie avec tant de zèle et de plaisir qu’il en oublia la gestion de ses biens. Il passait ses nuits à les comprendre et à en extirper un sens que n’eût compris Aristote lui-même.
En somme il s’empêtra dans sa lecture jusqu’à passer toutes ses nuits à la clarté de la lampe, tous ses jours dans le brouillard; ainsi, à force de dormir peu et de lire beaucoup, son cerveau se dessécha, de sorte qu’il finit par perdre la raison. Sa fantaisie s’emplit de tout ce qu’il lisait dans les livres, enchantements et querelles, batailles, défis, blessures, plaintes, amours, tourments et extravagances impossibles, et il les retint si bien en imaginant que tout cet échafaudage de fameuses faramineuses inventions qu’il lisait était
vrai, que pour lui il n’était pas d’histoire plus véridique au monde.
Et c’est ainsi que, son jugement bien mort, il finit par tomber sur la plus extraordinaire idée qu’eut jamais fou au monde: ce fut qu’il trouva convenable et nécessaire, tant pour s’acquérir plus d’honneur que pour servir l’intérêt public, de se faire chevalier errant.[…] défaire toute espèce de torts et se mettre dans des situations et dangers qui lui rapportassent après : succès, renom et gloire éternelle.
Ce qu’il fit d’abord, ce fut de nettoyer des armes qui avaient appartenu à ses aïeux et qui, attaquées par la rouille, étaient oubliées depuis de nombreux siècles dans un coin. Il les nettoya et les redressa du mieux qu’il put. Mais il vit qu’il y manquait quelque chose d’important: il n’y avait pas de casque mais un simple morion. Son industrie y suppléa: avec des cartons il fabriqua une espèce de moitié de casque qu’il encastra dans le morion, ce qui donnait une manière de casque complet. Il faut reconnaître que pour vérifier s’il était solide et à l’épreuve d’un coup de taille, il tira son épée et frappa deux fois: dès la première, il défit en un instant ce qu’il avait mis une semaine à faire.
Il entreprit de le refaire en ajoutant quelques pièces de fer à l’intérieur, tant et si bien qu’il se trouva satisfait de sa robustesse, et sans plus vouloir renouveler l’épreuve, il le jugea et le réputa pour casque parfait et complet.
Ensuite il alla voir son roussin, il estima que le bucéphale d’Alexandre ne pouvait l’égaler. Il passa 4 jours à imaginer le nom qu’il lui donnerait, car comme il se le disait, il n’était pas raison que le cheval d’un chevalier si fameux, n’eut pas de nom connu. Il changea aussi de nom et en acquît un fameux et bien sonnant, comme il convenait à la nouvelle occupation qu’il professait maintenant. Et, c’est ainsi qu’après bien des noms qu’il forma, effaça, abandonna, ajouta, défit et refit dans son imagination, il en vint finalement à l’appeler Rossinante, nom qu’il trouvait sonore et indicatif de ce qu’il avait été lorsqu’il était roussin antérieurement à ce qu’il était maintenant qu’il supplante tous les roussins du monde.
Il voulut s’en donner un à lui-même et passa encore huit jours à y réfléchir, au bout desquels il finit par se nommer don Quichotte. Mais se souvenant que le valeureux Amadis, sans se satisfaire de s’appeler Amadis tout court, avait ajouter le nom de son royaume et de sa patrie pour la rendre illustre, il voulut lui aussi, en bon chevalier, ajouter au sien celui de la sienne et s’appeler Don Quichotte de la Manche.
Les armes nettoyées, le morion fait casque, le roussin baptisé et lui-même par lui-même confirmé, il se persuada qu’il ne lui restait plus qu’à chercher une dame de qui tomber amoureux, car le chevalier errant sans amour était arbre sans feuilles ni fruits, corps sans âme. Voici ce qu’il en fut, d’après ce qu’on croit: il y avait dans un village proche du sien une jeune paysanne d’aspect très agréable, et lui-même en avait été un temps amoureux, même si on croit savoir qu’elle n’en eut jamais connaissance et ne s’en aperçut pas du tout. Elle s’appelait Aldonza Lorenzo, et c’est à elle qu’il trouva bon de donner le titre de Dame de ses pensées; et cherchant un nom qui ne dérogeât point au sien et regardât et tendît vers un nom de princesse, il l’appela finalement Dulcinée du Toboso, parce qu’elle était née au Toboso: nom qu’il trouvait musical, étrange et expressif, comme tous ceux qu’il avait déjà donnés à lui-même et à ses choses. »


vocabulaire:

hidalgo: gentilhomme espagnol de petite noblesse

morion:

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d’après la traduction de Jean-Raymond Fanlo

illustration de Gustave Doré (Son imagination se remplit de tout ce qu’il avait lu.)

(dQ nettoie son armure et ses armes  Gustave Doré)


petit résumé du chapitre premier de Cervantès:

(Namaury,Ethan,Mélynna ,MaxenceP)

« Dans un village de la Manche dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait un
hidalgo.[…]Il entretenait chez lui une gouvernante et une nièce. Notre hidalgo
approchait de la cinquantaine. Il faut […] savoir qu’[…]il s’adonnait à la
lecture de livres de chevalerie avec tant de zèle et de plaisir qu’il en oublia
la gestion de ses biens.[…]il finit par tomber sur la plus extraordinaire idée
qu’eut jamais fou au monde: ce fut qu’il trouva convenable et nécessaire[…]de se
faire chevalier errant[…].Les armes nettoyées, le morion fait casque, le roussin
baptisé et lui-même par lui-même confirmé, il se persuada qu’il ne lui restait
plus qu’à chercher une dame de qui tomber amoureux, car le chevalier errant sans
amour était arbre sans feuilles ni fruits, corps sans âme.[…] »

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