Category Archives: L’enfant maudit

acte 2 scène 17

POUDLARD, DANS UN ESCALIER

RON descend l’escalier, l’air très absorbé. Il voit alors HERMIONE et, en un instant, son expression se transforme complètement.

 

RON

Professeur Granger.

 

HERMIONE lui jette un coup d’oeil et on sent que son coeur se met à battre un peu plus fort (mais bien sûr, elle ne l’avouerait jamais).

 

HERMIONE

Ron ? Qu’est-ce que tu fais là ?

 

RON

Panju a eu des ennuis au cours de potions. Il a voulu faire le malin, comme d’habitude, et il a mélangé ce qu’il ne fallait pas avec ce qu’il ne fallait pas. Maintenant, il n’a plus de sourcils mais une grande moustache. Ce qui ne lui va pas du tout. Je ne voulais pas venir mais Padma dit que, quand il s’agit de système pileux sur le visage, les fils ont besoin de leur père. Tu as changé de coiffure ?

 

HERMIONE

J’ai dû me peigner, sans doute.

 

RON Alors, ça te va bien de te peigner.

 

HERMIONE regarde RON d’une manière un peu étrange.

 

HERMIONE

Ron, tu vas arrêter de me regarder comme ça ?

 

RON (rassemblant tout son courage)

Tu sais, le fils de Harry, Albus. Il m’a dit l’autre jour qu’il pensait que toi et moi, on était… mariés. Ha, ha ! Ha. Ha. Ridicule, je sais.

 

HERMIONE

Complètement ridicule.

 

RON

Il croyait même qu’on avait eu une fille, tous les deux. Ce serait étrange, non ?

 

Tous les deux se fixent du regard. HERMIONE est la première à détourner les yeux.

 

HERMIONE

Plus qu’étrange.

 

RON

Je suis bien d’accord. Nous sommes… amis, c’est tout.

 

HERMIONE

Absolument. Amis… Rien de plus.

 

RON Rien de plus que… amis. Un drôle de mot… ami. Enfin, pas si drôle que ça. C’est un simple mot. Ami. Ami. Des drôles d’amis. Toi, tu es ma drôle d’amie, mon Hermione. Entendons-nous, quand je dis « mon Hermione », tu comprends ce que ça signifie. Tu n’es pas MON Hermione – tu n’es pas à MOI –, tu le sais bien, mais…

 

HERMIONE

Je sais, je sais.

 

Il y a un moment de silence. Tous deux restent parfaitement immobiles.

Ce moment est trop important pour laisser place au moindre mouvement. Puis RON toussote.

 

RON Bon, il faut que j’y aille. Que je tire Panju d’affaire. Je dois lui enseigner l’art d’entretenir sa moustache.

 

Il s’éloigne, puis se retourne. Il fixe HERMIONE des yeux, elle lui rend son regard et il s’éloigne à nouveau en toute hâte.

 

RON Ta coiffure te va vraiment très bien.

acte 2 scène 16

POUDLARD, DANS LA BIBLIOTHÈQUE

SCORPIUS entre dans la bibliothèque. Il regarde à droite, à gauche. Il voit alors ALBUS. Et ALBUS le voit.

 

SCORPIUS

Salut.

 

ALBUS

Scorpius, je ne peux pas…

 

SCORPIUS

Je sais. Tu es à Gryffondor, maintenant. Tu ne veux plus me voir. Mais je suis quand même là. Et je te parle.

 

ALBUS

Moi, je ne peux pas te parler, alors…

 

SCORPIUS

Si, il le faut. Tu crois que tu peux simplement faire comme si rien ne s’était passé ? Le monde est en pleine folie, tu n’as pas remarqué ?

 

ALBUS

Je sais, merci. Ron est devenu bizarre. Hermione est professeur, tout est complètement de travers, mais…

 

SCORPIUS

Et Rose n’existe pas.

 

ALBUS

Je te répète que je le sais. Écoute, je ne comprends pas tout, mais il ne faut pas que tu sois ici…

 

SCORPIUS

À cause de ce qu’on a fait, Rose n’est même pas née. Tu te souviens de ce qu’on nous a raconté sur le bal de Noël, l’année du Tournoi des Trois Sorciers ? Les trois champions ont choisi chacun une partenaire. Ton père, c’était Parvati Patil, Viktor Krum a choisi…

 

ALBUS

Hermione. Ron était jaloux et il s’est conduit comme un crétin.

 

SCORPIUS

Sauf que ce n’est plus vrai. J’ai trouvé un livre que Rita Skeeter a écrit sur eux. Et l’histoire est très différente, maintenant. C’est Hermione que Ron a emmenée au bal.

 

ALBUS

Quoi ?

 

POLLY CHAPMAN

Chhhhhut…

 

SCORPIUS jette un regard à POLLY et baisse la voix d’un ton.

 

SCORPIUS

En copains. Et ils ont dansé comme des copains et c’était très bien et puis il a dansé avec Padma Patil et c’était encore mieux. À partir de là, ils ont commencé à sortir ensemble, Ron a un peu changé et ils ont fini par se marier. Pendant ce temps, Hermione est devenue…

 

ALBUS

Une psychopathe.

 

SCORPIUS

Hermione devait aller à ce bal avec Krum. Et tu sais pourquoi elle ne l’a pas fait ? Parce qu’elle soupçonnait que les deux élèves bizarres de Durmstrang qu’elle avait vus avant la première tâche avaient une responsabilité dans la disparition de la baguette de Cedric. Elle a cru que c’était nous – sur les ordres de Krum – qui avions fait échouer Cedric dans sa première tâche…

 

ALBUS

Waouh.

 

SCORPIUS

Et comme elle n’est pas allée au bal avec Krum, Ron n’a pas été jaloux. Mais justement, c’était très important qu’il soit jaloux. Sans cette jalousie, Ron et Hermione sont restés très bons amis, mais ils ne sont jamais tombés amoureux l’un de l’autre, ils ne se sont jamais mariés et n’ont jamais eu Rose.

 

ALBUS

Alors, c’est pour ça que mon père est si… Est-ce qu’il a changé, lui aussi ?

 

SCORPIUS

Je suis presque sûr qu’il est resté exactement le même. Il est devenu le directeur du Département de la justice magique. Il s’est marié avec Ginny. Ils ont eu trois enfants.

 

ALBUS

Mais pourquoi est-ce qu’il est si…

 

Une BIBLIOTHÉCAIRE apparaît au fond de la salle.

 

SCORPIUS

Tu m’as entendu, Albus ? Ça va bien plus loin que tes problèmes avec ton père. Selon la loi du professeur Funestar, on ne peut pas remonter dans le temps de plus de cinq heures sans conséquences graves pour le voyageur ou pour le temps lui-même. Or nous deux, on est remontés de plusieurs années. Un tout petit changement, dans un tout petit instant, crée des ondes de choc. Et nous, on a créé des ondes de choc absolument terribles. À cause de ce qu’on a fait, Rose n’est jamais née. Rose.

 

LA BIBLIOTHÉCAIRE

Chhhhutttt !

 

ALBUS réfléchit très vite.

 

ALBUS

Très bien, alors, retournons en arrière pour tout réparer. On ramènera à la fois Cedric et Rose.

 

SCORPIUS

Mauvaise réponse.

 

ALBUS

Tu as toujours le Retourneur de Temps, non ? Personne ne l’a trouvé ?

 

SCORPIUS le sort de sa poche.

 

SCORPIUS

Oui, mais…

 

ALBUS le lui arrache des mains.

 

SCORPIUS

Non. Arrête… Albus. Tu ne te rends toujours pas compte des dégâts qu’on pourrait provoquer?

 

SCORPIUS essaye de récupérer le Retourneur de Temps. ALBUS le repousse. Ils s’empoignent, mais ne sont pas très doués pour la bagarre.

 

ALBUS

Il faut remettre les choses en ordre, Scorpius. Nous devons toujours sauver Cedric. Et Rose doit revenir. On sera plus prudents. Le professeur Funestar peut bien dire tout ce qu’il veut, fais-moi confiance, fais-nous confiance. On y arrivera, cette fois-ci.

 

SCORPIUS

Non, on n’y arrivera pas. Rends-moi ça, Albus ! Rends-le-moi !

 

ALBUS

Je ne peux pas. C’est trop important.

 

SCORPIUS

Oui, c’est trop important. Pour nous. On n’est pas très bons dans ce truc-là. On va encore tout faire de travers.

 

ALBUS

Qui dit qu’on va tout faire de travers ?

 

SCORPIUS

Moi, je le dis. Parce que c’est notre spécialité. On rate tout ce qu’on entreprend. On est nuls. Des vrais nullards, des perdants absolus. Tu ne t’en es pas encore rendu compte ?

Dans leur bagarre, ALBUS finit par avoir le dessus et plaque SCORPIUS au sol.

 

ALBUS

Je n’étais pas nul avant de te rencontrer.

 

SCORPIUS

Albus, je ne sais pas ce que tu essayes de prouver à ton père, mais ce n’est pas comme ça que tu y arriveras…

 

ALBUS

Je n’ai rien du tout à prouver à mon père. Tout ce que je veux, c’est sauver Cedric et sauver Rose. Sans toi pour m’en empêcher, je pourrais peut-être y arriver.

 

SCORPIUS

Sans moi ? Pauvre Albus Potter. Tout le monde est contre lui. Pauvre Albus Potter. Si malheureux.

 

ALBUS

Qu’est-ce que tu racontes ?

 

SCORPIUS (explosant)

Tu aimerais mieux vivre ma vie ? Les gens te regardent parce que ton père est le célèbre Harry Potter, le sauveur du monde des sorciers. Moi, les gens me regardent parce qu’ils pensent que mon père, c’est Voldemort. Voldemort !

 

ALBUS

Ne crois pas que…

 

SCORPIUS

Est-ce que tu peux imaginer un tout petit peu ce que je vis ? Est-ce que tu as jamais essayé ? Non. Parce que tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. Parce que tu es incapable de dépasser ton histoire idiote avec ton père. Il sera toujours Harry Potter, tu n’y peux rien. Et toi, tu seras toujours son fils. Je sais que c’est dur et que les autres sont horribles avec toi, mais il faut que tu t’y habitues parce que – il y a des choses bien pires, tu comprends ?

 

Un temps.

 

Il y a eu un moment où j’étais fou de joie, quand je me suis aperçu que le temps n’était plus le même, un moment où j’ai pensé que peut-être ma mère n’était pas tombée malade. Que peut-être elle n’était pas morte. Mais non, finalement, elle est bien morte. Je suis toujours le fils de Voldemort, ma mère n’est plus là, et j’essaye d’être proche de quelqu’un qui ne me donne jamais rien en retour. Alors, je suis désolé si je t’ai gâché la vie mais moi, je te le dis, tu ne pourras jamais gâcher la mienne – elle l’est déjà. Simplement, tu ne l’as pas arrangée. Parce que, comme ami, tu es effroyable – absolument effroyable.

 

ALBUS doit avaler tout cela. Il voit alors ce qu’il a fait à son meilleur ami.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL (en coulisses) Albus ? Albus Potter. Scorpius Malefoy. Vous êtes ici tous les deux ensemble ? Dans ce cas, je vous conseille d’y renoncer.

 

ALBUS regarde SCORPIUS et sort une cape de son sac.

 

ALBUS

Vite. Cachons-nous.

 

SCORPIUS

Quoi ?

 

ALBUS

Scorpius, regarde-moi.

 

SCORPIUS

C’est la cape d’invisibilité ? Elle appartient à James, non ?

 

ALBUS

Si McGonagall nous trouve ensemble, elle va nous séparer à tout jamais. S’il te plaît. Je n’avais pas compris. S’il te plaît.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL (elle s’efforce de leur donner toutes les chances de ne pas se faire prendre)

Je m’apprête à entrer.

 

Le PROFESSEUR McGONAGALL pénètre dans la salle, la carte du Maraudeur à la main. Les deux garçons disparaissent sous la cape d’invisibilité. Elle regarde autour d’elle d’un air exaspéré.

Allons bon, où sont-ils… Je n’ai jamais voulu de cet objet et maintenant, voilà qu’il me joue des tours.

 

Elle réfléchit. Regarde à nouveau la carte. Elle repère l’endroit où ils pourraient être. Elle jette un coup d’oeil autour de la pièce. Des objets se déplacent tout seuls sur le passage des deux garçons devenus invisibles. Elle voit très bien où ils se dirigent et s’apprête à leur bloquer le passage, mais ils la contournent.

 

À moins… À moins que vous ne soyez cachés sous la cape d’invisibilité de votre père.

 

Encore une fois, elle regarde la carte et tourne la tête vers les deux garçons. Elle sourit.

 

Eh bien, si je ne peux pas vous voir, je ne vous ai pas vus, c’est tout.

 

Elle sort. ALBUS et SCORPIUS se débarrassent de la cape. Ils restent silencieux un moment.

 

ALBUS

Oui, je l’ai volée à James, c’est extrêmement facile de lui voler quelque chose, il a choisi comme code de sa valise la date où il a eu son premier balai. La cape me permet d’éviter les grosses brutes… plus facilement.

 

SCORPIUS approuve d’un signe de tête.

 

ALBUS

Je suis vraiment triste… pour ta mère… C’est vrai qu’on ne parle pas assez d’elle. Mais j’espère que tu le sais… que je suis triste… C’est affreux, ce qui est arrivé… pour elle et pour toi.

 

SCORPIUS

Merci.

 

ALBUS

Mon père a dit… il a dit que c’était toi, le nuage sombre autour de moi. C’est ce qu’il a pensé – et moi, j’ai tout de suite compris que je ne devais plus te voir. Sinon, mon père m’a dit qu’il…

 

SCORPIUS

Ton père pense que les rumeurs sont vraies – que je suis le fils de Voldemort ?

 

ALBUS (acquiesçant d’un signe de tête)

Ils sont en train de faire une enquête dans son service, au ministère.

 

SCORPIUS

Très bien, qu’ils enquêtent. Parfois… parfois, j’en arrive à penser… qu’ils ont peut-être raison.

 

ALBUS

Non. Ils n’ont pas raison du tout. Et je vais te dire pourquoi. Parce que je ne crois pas que Voldemort aurait pu avoir un fils aussi bon que toi, Scorpius. Tu es bon jusqu’au fond de tes entrailles, jusqu’au bout de tes doigts. Je suis certain que Voldemort… ne pouvait pas avoir un enfant comme toi.

 

Un temps. SCORPIUS paraît très ému par ces paroles.

 

SCORPIUS

Ça, c’est vraiment… c’est vraiment bien de me dire ça.

 

ALBUS

Et j’aurais dû te le dire il y a très longtemps. En fait, tu es la personne la plus remarquable que je connaisse. Et tu ne… tu ne pourrais jamais… jamais être un obstacle pour moi… Au contraire, tu me rends plus fort. Et quand mon père m’interdit de te voir… Sans toi, je…

 

SCORPIUS

Pour moi non plus, ce n’était pas très drôle de ne plus te voir.

 

ALBUS

Je sais que je serai toujours le fils de Harry Potter… et il faudra bien que je m’y fasse – dans ma tête. Je sais aussi que, comparé à toi, j’ai plutôt une belle vie et que lui et moi on a relativement de la chance…

 

SCORPIUS (il l’interrompt)

Albus, en matière d’excuses, on ne peut pas imaginer mieux, mais ça y est, tu recommences à parler plus de toi que de moi, alors autant arrêter là, pendant que tu as une longueur d’avance.

 

ALBUS sourit et lui tend la main.

 

ALBUS

Alors, on est amis ?

 

SCORPIUS

Pour toujours.

 

SCORPIUS tend la main à son tour. ALBUS serre SCORPIUS contre lui.

 

SCORPIUS

C’est la deuxième fois que tu fais ça.

Les deux garçons s’écartent l’un de l’autre et sourient.

ALBUS

Cette dispute aura au moins eu un avantage : elle m’a donné une très bonne idée.

 

SCORPIUS

À propos de quoi ?

 

ALBUS

À propos de la deuxième tâche. Et de l’humiliation.

 

SCORPIUS

Tu veux toujours retourner dans le temps ? Est-ce qu’on s’est bien compris, tout à l’heure ?

 

ALBUS

Tu as raison, on est des losers, on est doués pour perdre. C’est là qu’on est les meilleurs, alors on devrait utiliser notre savoir dans ce domaine. Se servir de nos propres pouvoirs. Les perdants apprennent à perdre. Et il n’y a qu’une seule méthode pour enseigner quelque chose à un loser – on est bien placés pour le savoir –, c’est l’humiliation. Il faut qu’on humilie Cedric. C’est ce qu’on va faire dans la deuxième tâche.

 

SCORPIUS réfléchit pendant un bon moment. Puis il sourit.

 

SCORPIUS

Très bonne stratégie.

 

ALBUS

Je sais.

 

SCORPIUS

Je veux dire très spectaculaire. Humilier Cedric pour sauver Cedric. Très intelligent. Et Rose ?

 

ALBUS

Ça, ce sera le cadeau surprise. Je peux tout faire sans toi – mais je veux que tu viennes avec moi –, je veux que tu sois là-bas. Parce que je veux qu’on le fasse ensemble. Qu’on soit ensemble pour remettre les choses en ordre. Alors… tu es d’accord pour venir ?

 

SCORPIUS

Attends un peu… Est-ce que… la deuxième tâche, c’est bien dans le lac qu’elle a eu lieu ? L’ennui, c’est qu’on n’a pas le droit de sortir de l’école elle-même.

 

ALBUS a un grand sourire.

 

ALBUS

Justement, à ce sujet… Il faut qu’on trouve les toilettes des filles, au premier étage.

acte 2 scène 15

ACTE II SCÈNE 15

MAISON DE HARRY ET GINNY POTTER,

DANS LA CUISINE

HARRY et DRAGO se tiennent à bonne distance l’un de l’autre. GINNY s’est placée entre eux.

 

DRAGO

Désolé pour ta cuisine, Ginny.

 

GINNY

Oh, ce n’est pas la mienne. La plupart du temps, c’est Harry qui fait la cuisine.

 

DRAGO

Moi non plus, je n’arrive plus à lui parler. À Scorpius. Surtout depuis

que… Astoria n’est plus là. Je ne peux même pas évoquer ce qu’il a

ressenti en perdant sa mère. J’ai beau essayer de mon mieux… je ne

parviens pas à établir… le contact avec lui. Tu ne peux pas parler à Albus, ni moi à Scorpius. C’est ça l’essentiel. Et non pas la prétendue malfaisance de mon fils. Tu es peut-être prêt à croire sur parole un centaure prétentieux, mais tu connais le pouvoir de l’amitié.

 

HARRY

Drago, quoi que tu penses…

 

DRAGO

Je t’ai toujours envié leur amitié, à ces deux-là – Weasley et Granger. Moi j’avais…

 

HARRY

Crabbe et Goyle.

 

DRAGO

Deux abrutis incapables de savoir dans quel sens on prend un balai. Mais vous… vous trois… vous étiez resplendissants, tu sais… On sentait que vous vous aimiez vraiment. Vous vous amusiez. Ce que je t’ai envié plus que tout, ce sont ces amitiés-là.

 

GINNY

Moi aussi, je les ai enviés.

 

HARRY regarde GINNY d’un air surpris.

 

HARRY

Je dois protéger Albus.

 

DRAGO

Mon père aussi pensait qu’il me protégeait. La plupart du temps. Mais il arrive un moment où il faut choisir ce que l’on veut être. Et je peux te dire que quand ce moment-là est arrivé, on a besoin d’un parent ou d’un ami.

Alors, si on en est venu à haïr ses parents et qu’on n’a pas d’amis… on se retrouve tout seul. C’est tellement dur d’être tout seul. Moi, j’étais seul. Et c’est ça qui m’a projeté dans un monde vraiment sombre. Pendant longtemps. Tom Jedusor était également un enfant solitaire. Tu ne peux pas comprendre ça, Harry, mais moi, je le peux… Et je pense que Ginny aussi peut le comprendre.

 

GINNY

Il a raison.

 

DRAGO

Tom Jedusor, lui, n’est jamais sorti de ce monde très sombre. Et il est devenu Lord Voldemort. Peut-être que ce nuage noir qu’a vu Bane, le centaure, c’était la solitude d’Albus. Sa douleur. Sa haine. Ne perds pas le contact avec ton fils. Tu le regretterais. Et lui également. Parce qu’il a besoin de toi, et de Scorpius aussi, qu’il le sache ou non.

 

HARRY observe DRAGO. Il réfléchit.

Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, puis se ravise et replonge dans ses réflexions.

 

GINNY

Harry, tu t’occupes d’aller chercher la poudre de Cheminette ou c’est moi qui y vais ?

 

HARRY lève les yeux vers sa femme.

acte 2 scène 14

POUDLARD, DANS UN ESCALIER

L’air malheureux, SCORPIUS descend des marches.

DELPHI arrive précipitamment de l’autre côté.

 

DELPHI

Alors, techniquement, je ne devrais pas être ici.

 

SCORPIUS

Delphi ?

 

DELPHI

En fait, techniquement, comme je le dis, je représente un danger pour notre opération tout entière… ce qui n’est pas… Enfin, comme tu le sais, ma nature ne me pousse pas à prendre des risques. Je ne suis jamais allée à Poudlard. La sécurité est plutôt négligée, ici. Et puis, il y a tellement de portraits. Et tellement de couloirs. Et les fantômes ! Celui qui est si bizarre, avec sa tête à moitié tranchée, m’a dit où je pourrais te trouver. Incroyable, non?

 

SCORPIUS

Tu n’as jamais été à Poudlard ?

 

DELPHI

Je ne me portais pas très bien…quand j’étais enfant… et ça a duré plusieurs années. D’autres y allaient, mais pas moi.

 

SCORPIUS

Tu étais trop… malade ? Je suis désolé, je ne savais pas.

 

DELPHI

Je ne l’ai jamais annoncé sur la place publique… J’aime mieux qu’on ne me considère pas comme un cas tragique, tu comprends ?

 

Visiblement, SCORPIUS compatit. Il lève les yeux et s’apprête à dire quelque chose, mais DELPHI se cache soudain, alors qu’un élève passe dans l’escalier. SCORPIUS essaye de prendre un air dégagé jusqu’à ce que l’élève se soit éloigné.

 

DELPHI

Il est parti?

 

SCORPIUS

Delphi, c’est peut-être trop dangereux pour toi de rester ici.

 

DELPHI

Il faut bien que quelqu’un fasse quelque chose.

 

SCORPIUS

Rien n’a marché, nous n’avons pas réussi à modifier le passé.

 

DELPHI

Je sais. Albus m’a envoyé un hibou pour me prévenir. Les livres d’histoire ont changé, mais pas suffisamment. Cedric est toujours mort. En fait, quand il a raté la première tâche, il a été plus décidé que jamais à remporter la deuxième.

 

SCORPIUS

Et tout est allé de travers entre Ron et Hermione. Je ne sais toujours pas pourquoi.

 

DELPHI

C’est pour ça que Cedric devra encore attendre. Tout s’est embrouillé et tu as eu parfaitement raison de garder le Retourneur de Temps. Mais ce que je voulais dire, c’est que quelqu’un doit faire quelque chose pour vous deux.

 

SCORPIUS

Ah…

 

DELPHI

Vous êtes les meilleurs amis du monde. Dans chaque hibou qu’il m’envoie, je sens ton absence dans sa vie. C’est quelque chose qui le détruit.

 

SCORPIUS

Apparemment, il a trouvé une épaule sur laquelle pleurer. Combien de hiboux il t’a envoyés ?

 

DELPHI a un doux sourire.

 

SCORPIUS

Désolé. Ce n’est pas… je ne voulais pas dire… Simplement, je ne comprends pas ce qui se passe. J’ai essayé de le voir, de lui parler, mais à chaque fois, il me fuit.

 

DELPHI

Tu sais, moi, je n’avais pas de meilleure amie, à ton âge. J’en aurais voulu une. Je le voulais à tout prix. Quand j’étais plus jeune, je m’en étais même inventé une, mais…

 

SCORPIUS

Moi aussi, j’avais un ami imaginaire. Il s’appelait Flurry. Nous nous sommes fâchés en nous disputant sur les règles exactes du jeu de Bavboules.

 

DELPHI

Albus a besoin de toi, Scorpius. Et ça, c’est merveilleux.

 

SCORPIUS

Il a besoin de moi pour faire quoi ?

 

DELPHI

C’est ça l’important, non ? Quand on est amis. Tu ignores ce dont il a besoin. Tout ce que tu sais, c’est qu’il en a besoin. Va le retrouver, Scorpius. 

acte 2 scène 13

ACTE II SCÈNE 13

MAISON DE HARRY ET GINNY POTTER,

DANS LA CUISINE

GINNY et HARRY s’observent d’un air méfiant. Il y a une dispute dans l’air et tous les deux le savent.

 

HARRY

C’est la bonne décision.

 

GINNY

Tu parviens presque à avoir l’air convaincu.

 

HARRY

Tu m’as dit d’être sincère avec lui, mais en fait, j’avais besoin d’être

sincère avec moi-même, j’avais besoin de faire confiance à ce que mon coeur me disait…

 

GINNY

Harry, tu as un des plus grands coeurs qui soient parmi tous les sorciers qui

aient jamais vécu, et je ne crois pas que ton coeur t’ait dit de faire ça.

 

Ils entendent frapper à la porte.

 

GINNY

Sauvé par la porte.

 

Elle sort.

Un moment plus tard, DRAGO entre, rongé de colère, mais habile à le

cacher.

 

DRAGO

Je ne resterai pas longtemps. Ça ira très vite.

 

HARRY

En quoi puis-je t’aider ?

 

DRAGO

Je n’ai aucune hostilité à ton égard. Mais mon fils est en larmes et je suis

son père. Je viens donc te demander pourquoi tu empêches deux amis de se voir.

 

HARRY

Je n’empêche rien.

 

DRAGO

Tu as fait changer l’emploi du temps de l’école. Tu as menacé à la fois les

professeurs et Albus lui-même. Pourquoi ?

 

HARRY dévisage DRAGO avec attention, puis se détourne.

 

HARRY

Je dois protéger mon fils.

 

DRAGO

Le protéger de Scorpius ?

 

HARRY

Bane m’a dit qu’il sentait un nuage noir autour d’Albus. Tout près de lui.

 

DRAGO

Qu’est-ce que tu veux dire par là, Potter ?

 

HARRY regarde DRAGO droit dans les yeux.

 

HARRY

Tu es sûr… vraiment sûr, que c’est ton fils, Drago ?

 

Il y a un silence mortel.

 

DRAGO

Retire immédiatement ce que tu viens de dire…

 

Mais HARRY ne retire rien du tout. DRAGO sort alors sa baguette magique.

 

HARRY

Je ne te conseille pas de faire ça.

 

DRAGO

Je le ferai quand même.

 

HARRY

Je ne te veux pas de mal, Drago.

 

DRAGO

Très intéressant, mais moi, justement, je te veux du mal.

 

Tous deux se mettent en position de combat, puis brandissent leur

baguette.

 

DRAGO et HARRY (en même temps)

Expelliarmus !

 

Les baguettes se repoussent et reviennent entre les mains de leurs

propriétaires.

 

DRAGO

Incarcerem !

 

HARRY esquive un jet enflammé jailli de la baguette de DRAGO.

 

HARRY

Tarentallegra !

 

DRAGO se jette hors de la trajectoire du sortilège.

 

HARRY

Tu t’es bien entraîné, Drago.

 

DRAGO

Mais toi, tu es devenu un peu mou, Potter. Dentesaugmento !

 

HARRY parvient de justesse à esquiver le maléfice.

 

HARRY

Rictusempra !

 

DRAGO se sert d’une chaise pour se protéger du coup.

 

DRAGO

Flipendo !

 

HARRY est projeté dans les airs et tourne sur lui-même. DRAGO éclate de

rire.

 

DRAGO

Essaye de suivre, papy.

 

HARRY

Nous avons le même âge, Drago.

 

DRAGO

Ça se voit moins chez moi.

 

HARRY

Brachialigo !

 

DRAGO se retrouve étroitement ligoté.

 

DRAGO

C’est tout ce que tu sais faire ? Emancipare !

 

DRAGO se dégage de ses liens.

 

DRAGO

Levicorpus !

 

HARRY doit se ruer hors de la ligne de tir.

 

DRAGO

Mobilicorpus ! C’est vraiment très amusant…

 

DRAGO fait rebondir HARRY sur la table. Et tandis que HARRY roule sur

lui-même pour se mettre hors de portée, DRAGO saute sur la table, sa

baguette brandie, mais au même moment, HARRY lui envoie un sortilège

qui atteint son but…

 

HARRY

Obscuro !

 

DRAGO parvient aussitôt à se débarrasser du bandeau noir qui lui a

couvert les yeux.

Les deux adversaires se préparent à un nouvel assaut. HARRY lance une

chaise.

DRAGO se baisse pour l’éviter et ralentit le mouvement de la chaise d’un

coup de baguette magique.

 

GINNY

Il y a tout juste trois minutes que j’ai quitté cette pièce !

 

Elle contemple l’indescriptible désordre provoqué par le duel. Elle

regarde notamment les chaises suspendues dans les airs. D’un coup de

baguette magique, elle les fait retomber sur le sol.

 

GINNY (avec une extrême sécheresse)

Vous pouvez me dire ce que j’ai manqué ?

ACTE 2 scène 12

POUDLARD, DANS LES ESCALIERS

 

ALBUS monte un escalier en regardant autour de lui.

Il ne voit rien et sort. L’escalier se déplace presque comme s’il dansait.

SCORPIUS entre à son tour. Il pense avoir vu ALBUS, mais s’aperçoit qu’il n’est pas là.

Il se laisse tomber par terre tandis que l’escalier se déplace à nouveau comme s’il glissait sur le sol.

 

MADAME BIBINE entre et monte les marches. Arrivée au sommet, elle fait signe à SCORPIUS de s’en aller.

Il obéit. Et descend, sortant d’un pas traînant – son horrible solitude est manifeste.

ALBUS entre à nouveau et monte un escalier.

SCORPIUS entre également et gravit d’autres marches.

Leurs deux escaliers se rencontrent. Les deux garçons se regardent.

Perdus et pleins d’espoir – tout à la fois.

 

Puis ALBUS détourne les yeux et le lien est rompu – peut-être aussi leur amitié.

À présent, les escaliers se séparent – les deux garçons se regardent

encore, l’un plein de culpabilité, l’autre de douleur – l’un et l’autre de

détresse.

acte 2 scène 11

ACTE II SCÈNE 11

À POUDLARD, UN COURS DE DÉFENSE CONTRE LES FORCES DU MAL

 

ALBUS entre dans la salle de classe, un peu mal à l’aise.

 

HERMIONE

Ah, tiens, notre évadé du train. Revenu finalement parmi nous.

 

ALBUS

Hermione ?

 

Il paraît stupéfait. HERMIONE se tient debout devant les élèves.

 

HERMIONE

Potter, il me semble qu’on m’appelle généralement professeur Granger.

 

ALBUS

Qu’est-ce que tu fais là ?

 

HERMIONE

Et on ne me tutoie pas. Ce que je fais là ? J’enseigne. Pour me punir de mes péchés, sans doute. Et vous, que faites-vous ici ? Vous venez apprendre, j’espère ?

 

ALBUS

Mais… vous… vous êtes ministre de la Magie.

 

HERMIONE

Vous avez encore rêvé, Potter ? Aujourd’hui, nous allons étudier le sortilège du Patronus.

 

ALBUS (stupéfait)

Vous êtes notre professeur de défense contre les forces du Mal ?

 

On entend quelques gloussements de rire.

 

HERMIONE

Je crois que je vais perdre patience. Dix points de moins à Gryffondor pour stupidité.

 

POLLY CHAPMAN (elle se lève, scandalisée)

Ah, non. Il le fait exprès. Il déteste Gryffondor et tout le monde le sait.

 

HERMIONE

Asseyez-vous, Polly Chapman, avant que les choses n’empirent. (POLLY pousse un grand soupir puis se rassied.) Je vous suggère de l’imiter, Albus. Et de mettre fin à cette plaisanterie.

 

ALBUS

Mais d’habitude, vous n’êtes pas aussi méchante que ça.

 

HERMIONE

Vingt points de moins à Gryffondor pour vous démontrer, Albus Potter, que je suis aussi méchante que ça.

 

YANN FREDERICKS

Si tu ne t’assieds pas immédiatement, Albus…

 

ALBUS s’assied.

 

ALBUS

Est-ce que je peux simplement dire…

 

HERMIONE

Non, vous ne le pouvez pas. Contentez-vous de vous taire, Potter, sinon vous allez perdre définitivement le peu de sympathie dont vous pourriez encore bénéficier de la part de vos camarades. Maintenant, quelqu’un peut-il me dire ce qu’est un Patronus ? Non ? Vraiment personne ? Vous êtes décidément bien décevants, tous.

 

HERMIONE a un petit sourire pincé. Elle paraît vraiment méchante.

 

ALBUS

Non. Tout ça est idiot. Où est Rose ? Elle, au moins, elle vous dira que vous êtes ridicule.

 

HERMIONE

Qui est Rose ? Une amie invisible ?

 

ALBUS

Rose Granger-Weasley ! Votre fille ! (Il se rend soudain compte.) Oui, bien sûr, puisque vous n’êtes pas mariée à Ron, il n’y a pas de Rose…

 

On entend de petits rires.

 

HERMIONE

Comment osez-vous ? Cinquante points de moins pour Gryffondor. Et je vous garantis que si jamais quelqu’un s’avise de m’interrompre encore une fois, ce sera cent points…

Elle promène tout autour de la salle un regard perçant. Personne ne bouge le moindre muscle.

 

HERMIONE

Bien. Un Patronus est un sortilège qui consiste à projeter les sentiments les plus positifs que l’on a en soi et qui prend la forme de l’animal avec lequel on se sent le plus d’affinités. C’est un don lumineux. Si vous êtes capable de produire un Patronus, vous pourrez vous protéger contre le monde extérieur. Ce qui, pour certains d’entre nous, deviendra tôt ou tard une nécessité.

acte 2 scène 10

ACTE II SCÈNE 10

POUDLARD, DANS LE BUREAU DE LA DIRECTRICE

Le visage du PROFESSEUR McGONAGALL exprime une grande contrariété, celui de HARRY, une parfaite détermination. Quant à GINNY, elle ne sait pas très bien où se situer.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Je ne suis pas certaine que la carte du Maraudeur ait été conçue pour ce genre d’usage.

 

HARRY

Si vous les voyez ensemble, rejoignez-les le plus vite possible pour les séparer.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Harry, vous êtes sûr que c’est la bonne décision à prendre ? Loin de moi l’idée de mettre en doute la sagesse des centaures, mais Bane est plein de rancoeur… Et il est bien capable de déformer la configuration des étoiles dans son propre intérêt.

 

HARRY

J’ai confiance en Bane. Albus doit rester à l’écart de Scorpius. Pour son propre bien et pour celui des autres.

 

GINNY

Je crois que ce que Harry veut dire, c’est…

 

HARRY (d’un ton sans réplique)

Le professeur McGonagall sait parfaitement ce que je veux dire.

 

GINNY pose sur HARRY un regard qui trahit sa surprise de l’entendre lui parler sur ce ton.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Albus a été examiné par tous les plus grands sorciers et sorcières du pays et personne n’a trouvé trace en lui du moindre sortilège ou du moindre maléfice.

 

HARRY

Mais Dumbledore a dit… Il a dit…

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Quoi ?

 

HARRY

Son portrait. Nous avons parlé tous les deux. Il a dit quelque chose qui m’a fait réfléchir…

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Dumbledore est mort, Harry. Et je vous l’ai déjà répété, les portraits ne représentent même pas la moitié de ce qu’étaient leurs modèles.

 

HARRY

Il a dit que l’amour me rendait aveugle.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Le portrait d’un ancien directeur est un souvenir. Il est censé être une sorte de soutien qui m’aide à prendre des décisions. Mais lorsque j’ai accédé à cette fonction, on m’a conseillé de ne pas confondre le portrait et la personne. Et vous seriez bien inspiré d’en faire autant.

 

HARRY

Pourtant, il avait raison. Je le vois bien, maintenant.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL

Harry, vous avez subi une énorme pression. La fugue d’Albus, les recherches pour le retrouver, les craintes provoquées par les douleurs de votre cicatrice. Croyez-moi lorsque je vous le dis, vous êtes en train de commettre une erreur…

 

HARRY

Albus ne m’aimait pas avant. Il se peut qu’il continue à ne pas m’aimer. Mais au moins, il sera en sécurité. Avec tout le respect que je vous dois, Minerva… vous n’avez pas d’enfant…

 

GINNY

Harry !

 

HARRY

Vous ne pouvez pas comprendre.

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL (profondément blessée)

J’aurais espéré que toute une vie consacrée à l’enseignement signifierait…

 

HARRY

Cette carte vous permettra de voir à tout moment où se trouve mon fils. J’attends de vous que vous en fassiez usage. Et si j’entends dire que ce n’est pas le cas… alors, je prendrai contre cette école les mesures qui s’imposent, et avec toute la sévérité possible… en mettant dans la balance les pleins pouvoirs du ministère… Me suis-je bien fait comprendre ?

 

LE PROFESSEUR McGONAGALL (effarée par ces propos au vitriol)

Parfaitement bien.

 

GINNY observe HARRY. Elle a du mal à le reconnaître. Il ne lui rend pas son regard.

acte 2 scène 9

ACTE II SCÈNE 9

POUDLARD, DANS UN ESCALIER

ALBUS

Et si je m’enfuis ? Parce que je vais m’enfuir.

HARRY

Albus, retourne te coucher !

ALBUS

Je recommencerai à m’enfuir.

HARRY

Non. Sûrement pas.

ALBUS

Si, justement. Et cette fois, je m’arrangerai pour que Ron ne puisse pas

nous retrouver.

RON Est-ce qu’on aurait prononcé mon nom ?

RON apparaît dans un escalier. La raie dans ses cheveux a une netteté

très agressive. Sa robe de sorcier est un petit peu trop courte, ses

vêtements sont maintenant tellement conventionnels qu’ils en deviennent

spectaculaires.

ALBUS

Oncle Ron ! Dumbledore soit loué ! Si on a besoin d’une de tes bonnes

blagues, c’est bien maintenant…

RON fronce les sourcils, déconcerté.

RON Une blague ? Je ne connais pas de blagues.

ALBUS

Bien sûr que si. Tu t’occupes d’un magasin de farces et attrapes.

RON (déconcerté au plus haut point, à présent)

Un magasin de farces et attrapes ? C’est nouveau, ça. En tout cas, je suis

content de tomber sur toi… Je voulais t’apporter des bonbons pour…

heu… enfin, pour te souhaiter un prompt rétablissement, mais en fait,

Padma… elle réfléchit beaucoup plus sérieusement que moi et elle a pensé

qu’il vaudrait mieux t’offrir quelque chose d’utile pour l’école. Alors, on

t’a acheté… des plumes pour écrire. Oui, oui, oui. Regarde-moi un peu ces

petites coquines. La meilleure qualité qu’on puisse trouver.

ALBUS

C’est qui, Padma ?

HARRY regarde ALBUS en fronçant les sourcils.

HARRY

Ta tante, voyons.

ALBUS

J’ai une tante Padma, moi ?

RON

HARRY.) Il a reçu un sortilège de Confusion en pleine tête, c’est ça ?

ALBUS.) Ma femme, Padma. Tu te souviens ? Elle s’approche toujours un

peu trop près de toi quand elle te parle et elle sent légèrement la menthe. (Il

se penche vers ALBUS.) Padma, la mère de Panju ! HARRY.) C’est pour ça

que je suis là. Pour Panju. Il a encore des ennuis. Je voulais simplement lui

envoyer une Beuglante, mais Padma a insisté pour que je vienne en

personne. Je ne sais pas pourquoi. Il se moque toujours de moi.

ALBUS

Mais… tu es marié avec Hermione.

Un temps. RON ne comprend rien du tout.

RON Hermione ? Ah non. Ooooh non. Par la barbe de Merlin !

HARRY

Albus a aussi oublié qu’il était à Gryffondor. Ça l’arrange.

RON Ah oui, eh bien, désolé, mon vieux, mais tu es un Gryffondor.

ALBUS

Comment ça se fait que je sois à Gryffondor ?

RON Tu as réussi à convaincre le Choixpeau magique, tu te souviens ? Panju

avait parié que tu n’arriverais jamais à être envoyé à Gryffondor, même si

ta vie en dépendait. Alors tu as choisi Gryffondor pour lui clouer le bec. Je

ne peux pas t’en vouloir. On aimerait tous, de temps en temps, effacer son

petit sourire supérieur, n’est-ce pas ? (Soudain terrifié.) S’il vous plaît, ne

répétez jamais à Padma ce que je viens de dire.

ALBUS

C’est qui, Panju ?

RON et HARRY regardent fixement ALBUS.

RON Nom de nom, tu n’es vraiment plus toi-même ! En tout cas, il vaut mieux

que j’y aille avant de recevoir une Beuglante moi-même.

Il s’en va d’un pas trébuchant. Il n’est plus du tout l’homme qu’on

connaissait auparavant.

ALBUS

Mais… Tout ça n’a aucun sens.

HARRY

Albus, je ne sais pas ce que tu veux nous faire croire, mais ça ne marchera

pas. Je ne changerai pas d’avis.

ALBUS

Papa, tu as le choix entre deux choses, ou bien tu m’emmènes à…

HARRY

Non, c’est toi qui as le choix, Albus. Ou bien tu fais ce que je te dis, ou

bien tu auras des ennuis encore plus graves, beaucoup plus graves. Tu

comprends ?

SCORPIUS

Albus ? Tu vas bien ? Fantastique !

HARRY

Il est complètement guéri. Et il faut qu’on y aille.

ALBUS se tourne vers SCORPIUS et son coeur se brise. Mais il suit son

père.

SCORPIUS

Tu es fâché contre moi ? Qu’est-ce qui se passe ?

ALBUS s’arrête et se tourne vers SCORPIUS.

ALBUS

Ça a marché ? Est-ce qu’on a réussi quelque chose ?

SCORPIUS

Non… Mais… Albus…

HARRY

Albus, je ne sais pas ce que tu racontes comme bêtises, mais maintenant, il

faut arrêter. Et tout de suite. C’est mon dernier avertissement.

ALBUS paraît déchiré entre son père et son meilleur ami.

ALBUS

Je ne peux pas, tu comprends ?

SCORPIUS

Tu ne peux pas quoi ?

ALBUS

Simplement… Il vaudra mieux qu’on ne se voie plus, d’accord ?

SCORPIUS reste seul et regarde ALBUS monter l’escalier. Très triste.

acte 2 scène 8

ACTE II SCÈNE 8

POUDLARD, À L’INFIRMERIE

ALBUS dort dans un lit d’hôpital. HARRY, visiblement tourmenté, est assis à son chevet. Au-dessus d’eux est accroché le portrait d’un homme au visage bienveillant et inquiet. HARRY se frotte les yeux, se lève, et fait le tour de la pièce en s’étirant le dos.

Il croise alors le regard du personnage représenté dans le tableau. Le portrait semble surpris d’avoir été vu. HARRY paraît tout aussi étonné.

HARRY

Professeur Dumbledore.

DUMBLEDORE

Bonsoir, Harry.

HARRY

Vous m’avez manqué. Chaque fois que je suis passé voir la directrice, ces temps derniers, votre cadre était vide.

DUMBLEDORE

Eh oui, j’aime bien parfois aller me promener dans mes autres tableaux. (Il regarde ALBUS.) Il sera bientôt guéri ?

HARRY

On l’a endormi depuis vingt-quatre heures, mais c’est surtout pour que Madame Pomfresh puisse remettre son bras d’aplomb. Elle m’a dit que c’était très bizarre… C’est comme si son bras avait été cassé il y a vingt ans et qu’il était resté « complètement de travers ». Mais elle m’a affirmé qu’il s’en sortira très bien.

DUMBLEDORE

J’imagine que c’est difficile de voir souffrir son enfant.

HARRY lève les yeux vers DUMBLEDORE, puis regarde à nouveau ALBUS.

HARRY

Je ne vous ai jamais demandé ce que vous pensiez de son prénom. Le fait que je lui aie donné le vôtre.

DUMBLEDORE

Sincèrement, Harry, je pense que c’est un poids très lourd posé sur la tête de ce pauvre garçon.

HARRY

J’ai besoin de votre aide. De vos conseils. D’après Bane le centaure, Albus est en danger. Comment puis-je protéger mon fils, Dumbledore ?

DUMBLEDORE

Et c’est à moi que tu demandes comment protéger un jeune garçon d’un terrible danger ? On ne peut pas protéger les jeunes de la souffrance. La douleur doit arriver et elle arrivera.

HARRY

Donc, je suis censé rester là à regarder sans rien faire ?

DUMBLEDORE

Non. Tu es censé lui apprendre à affronter la vie.

HARRY

Comment ? Il ne m’écoute pas.

DUMBLEDORE

Il attend peut-être que tu voies clairement qui il est.

HARRY fronce les sourcils en essayant d’assimiler les paroles de DUMBLEDORE.

DUMBLEDORE (avec beaucoup de sensibilité)

C’est à la fois la malédiction et la bénédiction des portraits de pouvoir… entendre des choses. À l’école, au ministère, j’entends des gens parler…

HARRY

Et c’est quoi, les derniers ragots sur mon fils et moi ?

DUMBLEDORE

Il ne s’agit pas de ragots. On s’inquiète. On sait qu’il y a un conflit entre vous. Que ton fils est difficile. Qu’il est en colère contre toi. Je finis par penser que – peut-être – tu es aveuglé par ton amour pour lui.

HARRY

Aveuglé ?

DUMBLEDORE

Il faut que tu le voies tel qu’il est, Harry. Tu dois chercher ce qui le blesse.

HARRY

Je ne le vois donc pas comme il est ? Je ne vois pas ce qui le blesse ? (Il réfléchit un instant.) Ou plutôt qui le blesse ?

ALBUS (il marmonne dans son sommeil)

Papa…

HARRY

Ce nuage noir, il représente quelqu’un, n’est-ce pas ? Et non pas quelque chose ?

DUMBLEDORE

Ah vraiment, en quoi mon opinion peut-elle encore avoir la moindre importance ? Je ne suis que peinture et souvenir, Harry. Peinture et souvenir. Et puis je n’ai jamais eu de fils.

HARRY

Mais j’ai besoin de vos conseils.

ALBUS

Papa ?

HARRY se tourne vers ALBUS, puis à nouveau vers DUMBLEDORE. Mais ce dernier a disparu.

HARRY

Oh, non. Où êtes-vous passé ?

ALBUS

On est à… à l’infirmerie ?

HARRY reporte son attention sur ALBUS.

HARRY (complètement dérouté)

Oui. Et tu vas – tu seras très bientôt guéri. Madame Pomfresh ne savait pas quel remède te prescrire et elle a dit que tu devrais sans doute manger beaucoup de chocolat. Ça ne t’ennuie pas que je t’en prenne un peu ? En fait, j’ai quelque chose à te dire et je ne crois pas que ça te plaira beaucoup.

ALBUS regarde son père. Qu’a-t-il donc à lui dire ? Il décide de ne pas l’affronter.

ALBUS

D’accord. Vas-y.

HARRY prend du chocolat et en mange un gros morceau. ALBUS l’observe, déconcerté.

ALBUS

Tu te sens mieux ?

HARRY

Beaucoup mieux.

Il tend le chocolat à son fils. ALBUS en prend un morceau. Père et fils mangent tous les deux.

HARRY

Ton bras, comment ça va ?

ALBUS plie le bras.

ALBUS

Il va tout à fait bien.

HARRY (avec douceur)

Où étais-tu parti, Albus ? Tu ne peux pas savoir ce que ça nous a fait… Ta mère était malade d’inquiétude…

 

ALBUS lève les yeux. Il sait très bien mentir.

ALBUS

On a décidé de ne pas aller à l’école. On s’est dit qu’on pourrait commencer une nouvelle vie… dans le monde des Moldus et on s’est aperçus qu’on avait tort. Quand vous nous avez retrouvés, on revenait à Poudlard.

HARRY

En portant une robe de Durmstrang ?

ALBUS

Les robes, c’était… Enfin, toute cette histoire – Scorpius et moi, on n’a pas réfléchi.

HARRY

Et pourquoi ? Pourquoi tu t’es enfui ? À cause de moi ? À cause de ce que je t’ai dit ?

ALBUS

Je ne sais pas. Poudlard n’est pas un endroit si agréable quand on n’y est pas bien.

HARRY

Et Scorpius ? Est-ce qu’il t’a encouragé à… partir ?

ALBUS

Scorpius ? Non.

HARRY

Je tiens à ce que tu cesses de fréquenter Scorpius Malefoy.

ALBUS

Quoi ? Scorpius ?

HARRY

Je ne sais pas ce qui a pu vous amener à devenir amis… en tout cas, c’est fait… Mais maintenant, je veux que tu…

ALBUS

Mon meilleur ami ? Mon seul ami ?

HARRY

Il est dangereux.

ALBUS

Scorpius ? Dangereux ? Est-ce que tu le connais ? Papa, si tu crois vraiment qu’il est le fils de Voldemort…

HARRY

Je ne sais pas qui il est, je sais seulement que tu dois le tenir à distance. Bane m’a dit…

ALBUS

C’est qui, Bane ?

HARRY

Un centaure qui a un don exceptionnel pour la divination. Il a dit qu’il y avait un nuage noir autour de toi et…

ALBUS

Un nuage noir ?

HARRY

J’ai de très bonnes raisons d’être convaincu que les forces du Mal sont de retour et je dois t’en protéger. Te protéger de lui. De Scorpius.

ALBUS hésite un moment, puis les traits de son visage se durcissent.

ALBUS

Et si je ne veux pas ? Cesser de le fréquenter ?

HARRY regarde son fils. Il réfléchit très vite.

HARRY

Il existe une carte. Elle servait d’habitude à ceux qui manigançaient de mauvais coups. Maintenant, on va l’utiliser pour avoir l’oeil – en permanence – sur vous deux. Le professeur McGonagall surveillera chacun de vos mouvements. Dès qu’elle vous verra ensemble, elle se précipitera…

Si jamais vous essayez de quitter Poudlard, elle arrivera sur son balai. J’attends de toi que tu assistes à tous tes cours – et tu n’en partageras aucun avec Scorpius. Entre les classes, tu resteras dans la salle commune de Gryffondor !

ALBUS

Tu ne peux pas m’envoyer à Gryffondor ! Je suis à Serpentard !

HARRY

Ne joue pas à ce petit jeu avec moi, tu sais très bien dans quelle maison tu es. Si le professeur McGonagall te trouve avec Scorpius, je te lancerai un sortilège qui me permettra de surveiller avec mes yeux et mes oreilles chacun de tes mouvements, chacune de tes conversations. Dans le même temps, une enquête va commencer dans mon département pour savoir exactement ce qu’il en est des ascendants de Scorpius.

ALBUS (il se met à pleurer)

Mais papa, tu ne peux pas… Ce n’est pas…

HARRY

Longtemps, j’ai pensé que je n’étais pas un assez bon père pour toi puisque tu ne m’aimais pas. Je me rends compte seulement maintenant qu’il n’est pas nécessaire que tu m’aimes. Ce qui est nécessaire, c’est que tu m’obéisses parce que je suis ton père et que j’en sais plus que toi. Désolé,

Albus, mais c’est comme ça que ça doit être.

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ALBUS lève les yeux. Il sait très bien mentir.

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