chapitre IV (suite et fin) don Quichotte CERVANTES abrégé
CHAPITRE IV:(suite)
Il arriva alors à un chemin qui se divisait en quatre, et aussitôt vinrent à son imagination les carrefours où les chevaliers errants se mettaient à réfléchir au chemin qu’ils prendraient. Pour les imiter, il resta un instant immobile et après y avoir bien réfléchi, il lâcha la bride à Rossinante, abandonnant sa volonté à celle de son roussin, lequel suivit sa première intention, qui était de prendre le chemin de l’écurie. Après avoir parcouru environ deux milles, don Quichotte vit une grande troupe. Comme on l’a su depuis, c’étaient des marchands qui allaient acheter de la soie. Ils étaient six qui allaient sous leur parasol avec quatre valets à cheval et trois garçons de mules à pied. Don Quichotte les eut à peine aperçut qu’il s’imagina que c’était une nouvelle aventure. Et, pour imiter les rencontres qu’il avait lues dans ses livres, il se cala bien sur ses étriers, serra la lance, leva le bouclier à sa poitrine et, posté au milieu du chemin, attendit que ces chevaliers errants arrivent, car il s’imaginait et croyait déjà qu’ils étaient tels, et lorsqu’ils furent à distance de se voir et s’entendre, la voix de don Quichotte s’éleva et dit d’un ton de défi:
-Arrêtez tous, si tous ne confessez qu’il n’est au monde demoiselle plus belle que la nonpareille Dulcinée du Toboso!
-Monsieur le chevalier, nous ne savons qui peut être cette bonne dame dont vous parlez; montrez-la-nous, et si elle est aussi belle que vous le dites, très volontiers et de nous-mêmes nous confesserons la vérité.
-Si je vous la montrais, que servirait que vous confessiez une vérité si évidente? Le point est que sans la voir vous avez à le croire, confesser, affirmer, jurer et défendre! En cas contraire, ayez bataille avec moi!
-Monsieur le chevalier, au nom de nous tous, nous princes ici présents, et pour ne pas charger nos consciences en confessant une chose jamais vue ou ouïe de nous, je vous supplie d’avoir l’obligeance de nous montrer quelque portrait de cette dame, même de la taille d’un grain de blé, par le fil on tire la pelote, et nous nous tiendrons quittes en confiance, et vous, vous aurez eu satisfaction et gain de cause; je crois même que nous prenons déjà si bien votre parti que même si son portrait nous montrait qu”elle est borgne d’un oeil, malgré tout, pour agréer à Votre Grâce, nous dirons tout ce qu’elle voudra en sa faveur.
-Non! Ce n’est pas ça, infâme canaille, répondit don Quichotte embrasé de colère, elle n’est ni borgne ni bossue! Mais toi tu vas payer le grand blasphème que tu as dit contre une beauté comme celle de ma Dame!
Et à ces mots il fonça lance baissée sur celui qui venait de parler, avec tant de rage et de furie que si la bonne fortune n’eut voulu qu’à mi-chemin Rossinante tombe, le marchand insolent s’en fut mal trouvé. Rossinante tomba, et son maître alla roulant un bon moment dans le champ. Il voulut se relever mais ne put le faire, embarrassé par sa lance, le bouclier, les éperons et la visière; ses antiques armes pesaient; et tout en luttant en vain pour se relever, il répétait:
-Ne fuyez pas, couards!Attendez!Ce n’est pas ma faute mais celle de mon cheval si je suis ainsi à terre!
Dans la troupe, un valet de mules qui ne devait pas avoir un très bon caractère entendait le malheureux dire au sol toutes ses arrogances. Il ne put supporter de ne pas lui donner réponse sur les côtes.
Il vint à lui, prit la lance, et après l’avoir mise en morceaux, il en prit un et se mit à donner tant de coups sur notre don Quichotte que malgré et en dépit de ses armes, il le moulut comme grain. Le garçon se lassa, les marchands repartirent. Don Quichotte, se voyant seul, essaya une nouvelle fois s’il pouvait se lever.
Mais s’il n’avait pu le faire valide et en bonne forme, comment l’eût-il pu moulu et tout démoli? Pourtant il se tenait encore pour fortuné, s’imaginant que c’était une mésaventure réservée aux chevaliers errants. Et il faisait retomber toute la faute sur son cheval.
_______________________________________________________________________________________on a cherché 2 milles = environ 3 kilomètres
On s’est demandé ce que veut dire: « moulu comme grain ». On a expliqué un peu, on verra ça prochainement en sciences.
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résumé:
Après avoir parcouru environ trois kilomètres, don Quichotte vit des marchands. Il s’imagina que c’étaient des chevaliers errants et dit d’un ton de défi:
-Tous, confessez qu’il n’est au monde demoiselle plus belle que la nonpareille Dulcinée!
-Monsieur le chevalier, nous ne savons qui peut être cette bonne dame dont vous parlez; montrez-la-nous, et si elle est aussi belle que vous le dites, nous confesserons la vérité.
-Si je vous la montrais, que servirait que vous confessiez une vérité si évidente? Le point est que sans la voir vous avez à le croire! En cas contraire, ayez bataille avec moi!
-Monsieur le chevalier, au nom de nous tous, je vous supplie de nous montrer quelque portrait de cette dame; je crois que même si son portrait nous montrait qu’elle est borgne d’un oeil, nous dirons tout ce que vous voudrez.
-Non! Elle n’est ni borgne ni bossue!répondit don Quichotte embrasé de colère, mais toi tu vas payer le grand blasphème que tu as dit contre une beauté comme celle de ma Dame!
Et à ces mots il fonça lance baissée sur celui qui venait de parler. Rossinante tomba, et son maître alla roulant un bon moment dans le champ.